16/11/2017

L’activisme en Afrique se met en musique

Dans le monde, plusieurs guerres sont menées, des droits violées et des injustices commises. Rester de marbre face à un système injuste est la voie la plus facile à emprunter. Et plusieurs l’empruntent volontiers. Il n’y a pas de mal à cela. La vie est si courte, pourquoi se prendre la tête ? Par contre, certains ne peuvent rester indifférents. Ceux-ci portent la voix de ces injustices, ce sont les activistes. Les activistes ont différentes manières de combattre. Chacun choisit son arme selon ses capacités. Certains choisissent la plume, d’autres le droit et ceux qui font l’objet de cet article, la musique. Qui sont les activistes africains qui ont utilisé un micro à la place d’une kalachnikov ? Comment ont-ils réussi à faire bouger les choses ?

musicien en Afrique
Source: Pixabay

La musique en Afrique

En Afrique, la musique fait partie de la vie. On chante comme on respire. Un auteur affirme même que la parole a toujours été chantée en Afrique. Bien sûr, il parle du temps où nous parlions nos propres langues. Quoi qu’il en soit, nous continuons d’être de bons musiciens.

Pour nos ancêtres, la musique n’était pas juste une bonne cohésion entre son et rythme. La musique était des vibrations cosmiques utilisées par Dieu pour s’entretenir avec les hommes. Il n’avait pas encore lu la Bible qu’il savait que le monde avait été créé à partir du Verbe, de la parole divine. Par conséquent, faire de la musique, c’était reproduire la création divine. Ainsi, tous les instruments étaient-ils fabriqués à partir de « résultats » de la création (végétaux, animaux…) et selon des rites particuliers. Ça marche également pour l’action de chanter. Bien sûr, on ne fabrique pas la voix avec des végétaux mais juste signifier que c’est aussi reproduire la création divine. Pareil pour la danse. La musique n’était donc pas de l’art pour nous. Elle était sacrée.

Par la suite, la musique a évolué. Les africains déportés ont transporté leur musique sur d’autres continents et la rencontre avec d’autres peuples l’ont modifiée ; voici comment sont nées les sonorités que nous connaissons si bien : le R’N’B, la soul, le jazz, le reggae, le zouk…

Aujourd’hui, la musique est toujours aussi présente et importante en Afrique. C’est aussi l’un des secteurs où le « consommer local » est très… consommé.

Chanteuse africaine en doré
Source: Pixabay

L’activisme en chanson

Les Africains du continent ou ceux de la diaspora font beaucoup plus que nous faire danser. Dans leurs chansons, ils évoquent les problèmes du continent, soulèvent des cas sociaux et brisent les silences douloureux.

Billie Holliday n’a pas hésité dans Strange Fruit à parler du lynchage des Noirs dans le Sud des Etats-Unis… devant un public blanc au Café Society de New York en 1939. Il faut avoir aussi un peu de culot pour être activiste. Les paroles de cette chanson sont vraies, puissantes et témoignent d’une vérité bien triste.

Les arbres du Sud portent un fruit étrange
Du sang sur leurs feuilles et du sang sur leurs racines
Des corps noirs qui se balancent dans la brise du Sud
Un fruit étrange suspendu aux peupliers
Scène pastorale du vaillant Sud
Les yeux révulsés et la bouche déformée
Le parfum des magnolias doux et printannier
Puis l’odeur soudaine de la chair qui brûle
Voici un fruit que les corbeaux picorent
Que la pluie fait pousser, que le vent assèche
Que le soleil fait mûrir, que l’arbre fait tomber
Voici une bien étrange et amère récolte !

Des chansons comme celle-ci, les Africains en ont fait des milliers. La musique étant un bon moyen de s’exprimer. Vous entendrez donc Tiken Jah Fakoly et Alpha Blondy se plaindre de la relation empoisonnée de la Françafrique, Nina Simone pleurer le mal causé par la ségrégation raciale aux Etats-Unis et certainement Salif Keita se battre pour l’intégration des albinos dans la société. Chez nous en Afrique, la musique est bien plus qu’un divertissement, c’est une arme.

L’activisme des musiciens en dehors des albums

Quand ils ne crient pas leurs peines en studio, ils descendent dans la rue et parlent. Grâce à leur influence, ils arrivent à populariser un débat trop souvent resté élitiste ou à faire prendre conscience aux populations d’un problème bien réel. C’est ainsi que la Mama Africa Myriam Makeba s’est retrouvé en pleine Assemblée générale de l’ONU pour fustiger l’apartheid qui sévissait en Afrique du Sud. Ou encore qu’Oscibi Jhoann, musicien burkinabé, s’est investi pleinement dans le mouvement de la société civile « Le balai citoyen ».  Ils ne font pas donc pas que chanter. Ils sont aussi dans l’action.

La musique est utile en Afrique

En conclusion, être musicien, c’est aussi participer au bien-être social. Et nos musiciens l’ont bien compris. Ils ont compris que leur musique et leur influence étaient capables de rétablir la justice. Après le sacré, la musique africaine a revêtu depuis l’esclavage, le yovodah, des allures de revendication. Ce n’est donc pas étonnant que certains genres musicaux africains soient très « plongés » dans la revendication comme le reggae ou encore le zouglou ivoirien.

Chacun sa bataille, chacun son arme, mais une seule guerre, améliorer la vie des populations.

 

Je vous laisse avec cette chanson de Tiken Jah Fakoly en collaboration avec Soprano. A bientôt.

 

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