1984 d’Orwell, toujours d’actualité en 2017

Article : 1984 d’Orwell, toujours d’actualité en 2017
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11/05/2017

1984 d’Orwell, toujours d’actualité en 2017

George Orwell sur BBC
George Orwell, auteur de 1984

C’était un froid matin de Mai. Saison pluvieuse, saison sèche, on ne s’y retrouvait plus dans ces temps avec le réchauffement climatique. Quoi qu’il en soit, cela faisait maintenant 3 jours consécutifs que le ciel était couvert. Aminata Diallo, le menton rentré dans le cou, s’efforçait d’éviter le vent mauvais. Elle passa rapidement la porte vitrée du bloc des « Maisons des Ruineux en Tout Genre » à Abidjan Mall, pas assez rapidement cependant pour empêcher que s’engouffre en même temps qu’elle un tourbillon de poussière et de sable.

Le hall sentait le café de chez Cosy. À l’une de ses extrémités, une affiche de couleur, trop vaste pour ce déploiement intérieur, était clouée à la vitrine d’un glacier. Elle représentait simplement des visages poupins d’enfants, tenant un cornet de glace à la main et souriant, comme si cette sucrerie leur garantissant le bonheur total.

Aminata se dirigea vers l’escalier. Il était inutile d’essayer de prendre l’ascenseur ou l’escalator. Même dans ces moments les moins lucides, elle n’avait jamais eu le courage de les prendre. Elle avait trop peur que le courant se coupe quand elle est en ascenseur ou d’avoir le vertige sur l’escalier roulant. Actuellement, d’ailleurs, le courant électrique était coupé dans la journée. C’était une des spécialités de la Compagnie Ivoirienne d’Electricité. A croire qu’elle aussi fait des économies d’énergie. N’oubliez pas ! Eteignez la lumière en sortant de chez vous. Et bah c’est pareil avec la CIE. Quand les techniciens descendent du travail, ils éteignent tous les appareils avant de sortir.

Aminata était partie s’acheter une lotion contre l’acné. La vendeuse était si convaincante et si adorable qu’elle se prit également un gel, un savon, une crème en plus de la lotion. La vendeuse lui a dit que c’était « pour un soin complet et efficace ». Aminata, n’y connaissant pas grand-chose et un peu intimidée acheta la gamme complète.

Sur le chemin retour à Angré, Aminata dans son taxi observait le paysage abidjanais. Elle ne voyait que des panneaux indiquant tantôt les artistes invités au FEMUA tantôt le raffinement dont on faisait preuve en buvant une bière. Elle aimait bien ça. Regarder tous ces panneaux. Elle avait l’impression qu’en quelques mètres, elle aurait fait le tour des grands évènements qui se déroulaient dans la capitale.

L’appartement d’Aminata était au troisième. Aminata, qui avait vingt-et-un ans et souffrait d’un ulcère variqueux au-dessus de la cheville droite, montait lentement. Jeunesse et vieillesse, il n’y avait plus de grande différence maintenant. Elle s’arrêta plusieurs fois en chemin pour se reposer. À chaque palier, sur une affiche collée au mur, un énorme message publicitaire la fixait du regard. Une légende, sous chaque affiche, disait : BIG BROTHER VOUS REGARDE.

À l’intérieur de l’appartement d’Aminata, une voix sucrée et avec un accent typiquement ivoirien faisait entendre une série de nouvelles qui avaient trait à la situation dans le monde. La voix provenait d’un écran large de plusieurs pouces encastré dans le mur d’en face. « Emmanuel Macron, élu président de la République française… », « C’est le plus jeune président de la France… », « En seulement deux ans, Emmanuel Macron a réussi à briguer le fauteuil présidentiel… », « Le président Alassane Ouattara s’est rendu au Ghana pour… ».

Aminata appuya un bouton sur la télécommande et la voix diminua de volume, mais les mots étaient encore distincts.

Aminata se dirigea vers la fenêtre. Au-dehors, à travers le carreau de la fenêtre fermée et malgré le mauvais temps, la capitale ivoirienne paraissait toujours aussi chaude. Dans la rue, des jeunes gens étaient joyeux et discutaient du dernier Happy Run organisé par Orange. D’autres, assis autour dans un bar goutaient à la bière dont Aminata avait vu l’affiche sur le chemin retour d’Abidjan Mall. De tous les carrefours importants, les panneaux publicitaires vous fixaient du regard. Il y en avait un sur le mur d’en face. BIG BROTHER VOUS REGARDE, répétait la légende.

Lasse d’observer des gens qui ne se rendaient pas compte que Big Brother les manipulait, Aminata s’assit dans son fauteuil dans l’idée de jeter un coup d’œil sur les réseaux sociaux. Dans son smartphone, entre les articles sur la victoire d’Emmanuel Macron, les critiques sur la politique d’immigration de Marine Lepen et les emoustillements du côté des immigrés, Aminata se sentait toujours la cible de Big Brother. Sans parler des publicités sponsorisées sur Facebook et CIE où nos informations personnelles étaient utilisées à des fins commerciales. Elle avait l’impression d’être la marchandise d’un trafic d’humains. Big Brother l’avait eu. Elle était piégée. Elle n’aurait pas dû lui faire confiance.

Abandonnant également son smartphone, elle prit un morceau du journal quotidien national. Il disait exactement la même chose que la télévision ou Internet, Macron avait gagné, la raciste de Lepen avait perdu contrairement à son homologue américain, Alassane Ouattara travaillait pour rendre la Côte d’Ivoire prospère. Que de la propagande en gros !

En quatrième de couverture, un visage souriant et en légende, les trois slogans de Big Brother :

LA VERITE C’EST LE MENSONGE

LA LIBERTE C’EST L’ESCLAVAGE

L’IGNORANCE C’EST LA FORCE

 

BIG BROTHER VOUS REGARDE, cher lecteur.

Big Brother vous regarde en fond rouge

Signé Miss Africa

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